E2L l'interview
1. Salut à vous, ROTKO & DYFTA, qui formez le groupe E2L ! Tout d'abord, merci à vous d'avoir accepté cette interview! Pouvez-vous présenter votre groupe, et en tant quâentité solo, pour les auditeurs qui ne vous connaitraient pas?
Rotko : E2L existe depuis 2002. à la base, ce sont trois potes qui écoutent et aiment le rap et qui sây essayent. On sâest retrouvé à deux au bout dâun an et on nâa plus lâché depuis⦠En tant quâentité solo moi câest donc ROTKO, 23 ans, Rappeur et Beatmaker.
Dyfta : Et moi, câest DYFTA, 22 ans, Rappeur, Auteur, Compositeur.
2. Jâai cru comprendre que votre nom de groupe signifie âEntre Les Lignesâ. Quel est le sens de ce pseudo ?
D : Oui effectivement, E2L est lâabréviation dâENTRE LES LIGNES. Entre les lignes pour plusieurs raisons, la première câest par rapport à lâexpression « Lire entre les lignes », dans le sens où lâon souhaite que lâauditeur aille plus loin quâune écoute passive.
R : Entre les lignes aussi par rapport au Rap, parce que lâon est un groupe qui fonctionne au feeling, sans se soucier de la tendance qui prédomine dans le Rap
3. Quelles sont vos influences musicales et comment en êtes-vous venus à faire du Rap ?
R : Jâai toujours écouté beaucoup de Rap français, jâai été un fan absolu dâATK ! Heptagone est le CD que jâai le plus écouté dans ma vie, à raison de plusieurs fois par jour pendant 5 ans ! Jâécoute moins de Rap français aujourdâhui, je suis devenu plus difficile⦠Jâai aussi moins de restrictions, comme jâai pu en avoir par le passé. Je peux écouter de la variété française, de la soul, de la musique latine, de la pop,⦠Ce qui me touche, câest un discours ou une atmosphère musicale particulièreâ¦
D : Comme ROTKO, je suis à la base un inconditionnel de Rap français. Mes influences ont été Ideal J, IAM, NTM, Oxmo, la Scred Connexion,⦠Câest eux qui mâont fait découvrir et aimer cette musique. à lâheure actuelle, je suis plus ouvert musicalement.
4. Avez-vous commencé à rapper ensemble, ou bien en solo avant de joindre vos efforts ?
R : On a commencé ensemble à 17ans, on se retrouvait une fois par semaine chez lâun ou chez lâautre pour poser les textes de la semaine⦠De terribles souvenirs, on a encore certains sons de lâépoque même si on en a perdu pas mal et ce nâest pas plus mal !
D : On a aussi traversé des périodes sans, disons quâon a mis du temps à se trouver et à se lancer dans un projet « sérieux ».
5. Votre actualité, câest la sortie de votre 1er album au titre un peu hors du commun pour quelquâun qui suit les sorties Rap Français. Pouvez-vous nous éclairer sur le titre de « Pétales de Prose » ? (disponible en VPC et numérique depuis le 29 Septembre, ndlr)
D : Câest un jeu de mots qui fait un parallèle entre lâécriture et la flore, câest sûr que ça démarque des codes un peu machistes du Rap.
R : « Pétales de prose » câest aussi un titre poétique qui signifie le « must » de nos écrits. Il fait référence à la poésie urbaine quâest le Rap sensé.
6. Vous avez sorti ce projet en totale indépendance, et sans être très connu. Nâest-ce pas un risque, vu lâétat du marché du disque (et de lâindustrie du disque plus généralement) aujourdâhui ?
R : On est « entre les lignes » des habitudes, pas de maxi, pas de mixtapes, etc. On a choisi de se perfectionner dans notre coin avant de proposer quoi que ce soit.
D : Lorsque lâon sâest lancé dans ce projet dâalbum, la question que lâon sâest posé nâest pas « combien est ce quâon va gagner dâargent ? » ou « est ce le bon moment de sortir un cd vu lâétat du marché du disque ?» mais « combien est on prêt à perdre pour réaliser un rêve ? ». En gros, pour répondre à ta question, on a fait ce disque par passion et pas pour lâappât du gain.
7. Au niveau production et instrus, câest ROTKO, un des membres du groupe, qui sâen est occupé. Pourquoi ce choix ?
R : Tout simplement parce quâon a posé quatre ans sur des faces B et quâau bout dâun moment tu cherches à avancer. Et nâayant pas de beatmaker dans notre entourage, je mây suis mis par la force des choses, et aujourdâhui jây prends quasiment autant de plaisir quâà rapper ou écrire. Toutes les prods passent entre les mains de DYFTA également qui apporte quelques touches personnelles
D : Mais ROTKO a une très bonne oreille pour ce qui est des samplesâ¦
R : Au passage big up aux artistes que lâon a samplé !
8. Concernant les featurings, il y en a peu. Vous avez choisi de faire un album personnel je suppose. On peut toutefois noter des featurings de poids, tels que PRINCESS ANIES & DERNIER PRO, en passant par YOSHI et dâautres. Comment se sont faites les connections ?
R : Pour PRINCESS ANIES et DERNIER PRO, on les a contactés via Myspace en leur parlant de notre projet et en leur proposant une prod et un thème. On avait en quelque sorte ciblé nos envies de featurings par rapport à lâambiance des morceaux et ça a colléâ¦
D : Pour YOSHI, la démarche a été différente, je lâavais rencontré dans le cadre du B.A.F.A. à lâépoque je commençais à rapper et jâétais admiratif du niveau quâil avait. On est resté en contact et après la sortie de son album « Eclosion », la collaboration sâest faite naturellement.
9. Dans le morceau introductif de lâalbum (track « Entre les Lignes », ndlr), vous arrivez à placer le nom de votre groupe sans réellement y faire référence. Comment vous est venue cette idée conceptuelle ?
D : Notre intro est un compromis entre mon idée de départ qui était de nous présenter aux auditeurs et la volonté de ROTKO dâen faire un morceau à part entière.
R : Du coup, on a décidé de présenter notre groupe, à travers son nom, sans y faire référence directementâ¦
10. Dans le morceau « Besoin dâécrire », vous montrez lâimportance que représente lâécriture dans votre vie. Comment êtes-vous tombé dans cette addiction ?
R : Câest le jour où tu te rends compte que tu écris des choses que tu ne dis pas, tu prends conscience que lâécriture te permet de prendre du recul par rapport à ta vie et au monde qui tâentoureâ¦
D : Je te parlais de mes influences musicales juste avant. Câest justement des artistes comme Kéry James, Oxmo ou encore Mokless qui mâont donné envie de me lancer dans lâécriture. Ensuite, pour ma part une fois que jâai commencé, jâai très vite pris goût à exprimer mes idées et faire passer mes messages sur des thématiques.
11. Le titre « à mes Futur[e]s Exs » parle de lui-même, pas besoin dâexplications. Cependant pourquoi avoir sollicité PRINCESS ANIES comme featuring sur cette thématique ?
R : Parce que lâon voulait un point de vue féminin sur la question. PRINCESS ANIES a vraiment apporté quelque chose que seule une femme pouvait apporter au morceau. En plus, câest une artiste que lâon respecte beaucoup et qui nous a vraiment fait profiter de toute son expérience.
12. Dans « Pétales de Prose », vous avez fait appel à DERNIER PRO. Pourquoi avoir fait un featuring sur un morceau qui est traditionnellement réservé au seul groupe, du fait quâil sâagisse du titre de lâalbum ?
R : Comme je te le disais, on est encore une fois « entre les lignes » des traditions, tu vois au fil de lâinterview que notre nom nous correspond bien (rires).
D : Le morceau « Pétales de prose » sâest fait au feeling et câest seulement après coup quâil est devenu le fil conducteur de lâalbum. Au même titre quâANIES, on a invité DERNIER PRO parce quâon avait besoin de lui pour faire de ce morceau ce quâil est aujourdâhui.
R : Le titre de lâalbum, de mon point de vue, est à dissocier du morceau, parce que le concept « Pétales de prose » a dépassé le jeu de mots du morceau.
13. Vous apparaissez chacun votre tour en solo sur les 14 pistes que compte votre album (+1 bonus track, ndlr). Le solo de DYFTA mâa marqué (track 04 : « Dernière Lettre », ndlr). Pourquoi ce choix de thème et comment tâest-il venu à lâesprit ?
D : Les paroles ont été écrites bien avant lâalbum. Je me suis inspiré de lâaffaire Vincent HUMBERT qui mâa particulièrement touché. Je suis parti de la lettre quâil a écrit au Président demandant un suicide assisté dâoù le titre « Une dernière lettre ». Au final, je suis satisfait du morceau puisquâil est toujours dâactualité !
Je nâai pas voulu prendre parti mais simplement faire réagir lâauditeur à ce sujet sensible.
14. Le morceau « Homme Invisible » est marquant également. Est-ce une personne que vous avez côtoyée qui vous a fourni lâinspiration ?
R : Non pas du tout. Je te remercie de poser cette question parce que quasiment chaque thème de lâalbum a une histoire. Celle de « Lâhomme invisible » en fait, je sortais des cours, jâattendais le RER et lorsquâil est arrivé, jâai vu mon reflet dans les fenêtres de ses portes. Lorsquâelles se sont ouvertes, mon reflet a disparu et les gens qui mâentouraient sont rentrés dans le wagon sans faire gaffe à moi. Je me suis senti inexistant, invisible, tout est parti de là . On a ensuite réfléchi aux personnes qui pouvaient éprouver le même sentimentâ¦
15. Dans le morceau « Dans Dix Ans », vous abordez lâéloignement qui peut se créer entre des amis inséparables. Cela nous est tous au moins arrivé une fois, enfin je suppose. Avez-vous fait ce morceau pour en quelque sorte âconjurer le sortâ ?
R : Oui, faire cette chanson, câest montrer la pire évolution que pourrait avoir notre amitié. Câest se promettre quâon nâen arrivera pas là ⦠à bien plus petite échelle, cet album câest comme un couple qui a un enfant, il nous lie, quoi que le futur nous réserveâ¦
D : Dans dix ans est une fiction qui permet de sceller lâinstant présent.
16. « Your Way » (feat YOSHI) montre que lâon ne fait pas toujours ce quâon voulait faire au départ. Comment avez-vous eu le recul nécessaire pour aborder ce genre de morceau ?
R : Je ne suis pas tout à fait dâaccord avec toi parce que « Your Way » dit également quâil faut chercher « sa » voie et se donner les moyens de faire ce dont on a envie. YOSHI et DYFTA ont abordé ce thème avec leurs expériences personnelles, tandis que moi, je suis resté plus général. Au niveau du recul, comme je te le disais tout à lâheure, lâécriture te permet de voir ta vie sous un autre angle. à titre personnel, câest un de mes morceaux préférés de lâalbum.
D : Ce morceau mâa permis de faire un bilan par rapport à mon vécu et à mon avenir. Je lâai abordé de façon personnelle, mais je pense que tout le monde peut se retrouver dans ce morceau. Ce titre a également permis de découvrir YOSHI sur un terrain où lâon ne lâavait pas encore entendu et on est vraiment ravit que ce thème lâest inspiré.
17. Quâauriez-vous fait si le Rap nâavait pas occupé votre vie ?
D : De la couture ! (Rires)
R : Jâaurais fumé encore plus de chichas ! Non non, impossible à dire⦠Notre rencontre est aussi un concours de circonstances, aurions-nous fit du Rap si lâon ne sâétait pas rencontré ? Pas sûrâ¦
18. La musicalité de votre album est assez différente de ce qui peut sâécouter à lâheure actuelle. Vous sentez-vous représentés dans le Rap actuel ?
D : Pratiquement plus, je ne sais pas si câest dû au fait que jâai acquis une certaine maturité ou à autre chose, mais je trouve que les discours de certains artistes sont récurrents. Je pense que le Rap a besoin de plus dâouverture pour retrouver ses lettres de noblesse.
R : Pas dans ce qui se vend le plus. Je fais de très belles découvertes en Indé, des mecs qui nous ressemblent, des passionnésâ¦Mais alors que je pense que le discours de ces artistes pourrait parler à des personnes pas forcément initiés, médiatiquement ils sont malheureusement peu ou pas visibles⦠Je pense que le rap contrairement au Slam nâa malheureusement pas trouvé son public dâadultes.
19. Je précisais en début dâinterview que vous aviez sorti votre album en totale indépendance. Quelle est votre vision de lâindustrie du disque ?
R : Il y a un fossé énorme entre lâindustrie du disque et un groupe comme nous totalement indépendant. Le côté artistique pèse malheureusement peu de poids dans la balance en comparaison au budget promotion. Un groupe comme nous doit miser sur la proximité et compter sur le bouche-à -oreille⦠On remercie aussi les passionnés, animateurs dâémissions de radio, pour qui ce que jâai dit nâest pas vrai.
D : Avec le téléchargement, câest clair que lâindustrie du disque nâest pas au mieux de sa forme. On compte sur dâirréductibles érudits pour acheter notre disque !
20. Lâalbum est disponible depuis peu (29 Septembre), mais préparez-vous dâautres projets ?
D : Je prépare un livre de recettes (rires).
R : On continue de fonctionner de la même façon : on fait des maquettes chez nous et on songera à un projet quand on sera satisfait dâune dizaine de morceaux⦠Mais aujourdâhui on ne peut pas sâavancer quant à un futur projet, ni en tant quâE2L, ni en soloâ¦
21. Je vous remercie du temps que vous m'avez consacré et je vous laisse donc le mot de la fin!!!
D : Tout simplement venez découvrir notre univers sur cet album. On a tout mis dedans, et on espère que le résultat vous plaira.
R : Merci à toi Guillaume et à RADIO UNDA pour lâinvitation. Merci à tous les gens qui liront lâinterview. Merci à tous ceux qui ont participé à cet album et qui soutiennent E2L
Voir aussi: E2L
2008 © Radio Unda & Grizzmine